En croisant le regard des journalistes Nesrine Slaoui et Guillaume Erner, ce film propose une théorie dans l'air du temps traversée par les questions raciales et de genre. 

Journaliste et sociologue, Guillaume Erner se demande pourquoi Kim Kardashian est la femme la plus suivie au monde sur les réseaux sociaux "alors qu’elle ne fait rien". Avec l’aide de Nesrine Slaoui, journaliste et réalisatrice, il dresse le portrait de ce "personnage social total", car célèbre en raison de… sa célébrité. Icône de mode, star d’une interminable saga familiale de téléréalité, femme d’affaires plus qu’avisée, future avocate et militante indignée par l’état des prisons américaines, la belle Kim, qu’on dit tentée par un destin politique, ne chôme en fait pas du tout...

Belle à facettes
"Je la considère sincèrement comme une icône féministe", ose Meredith Jones, professeure d’études de genre à l’université Brunel de Londres et "kimologue" émérite. Si ce portrait n’élude pas les dérapages de Kim Kardashian, souvent taxée d’appropriation culturelle par la communauté afro-américaine, et auteure de propos péremptoires sur la réussite face à des femmes moins favorisées, il s’attarde surtout sur les multiples facettes d’une personnalité plus complexe que sa manie du collagène le laisserait supposer. Paradoxe vivant, cette reine des influenceuses a sexualisé son corps à l’extrême (redessiné pour englober divers archétypes féminins). Mais elle a aussi imposé au monde de la mode, qui la prenait de haut, ses formes rebondies, son goût du métissage et son style sportswear. Reine du selfie, elle a modelé Instagram, son terrain de jeu préféré, dans une surenchère de narcissisme. Cependant, elle a su aussi se réapproprier son image, qu’elle maîtrise parfaitement. Capable de sortir un livre de photos volées d’elle, Kim Kardashian a souplement rebondi après l’affaire de la sextape, qui a mis sa vie privée sur la place publique mais l’a fait connaître alors qu’elle n’était que la styliste de Paris Hilton. Un pied de nez au patriarcat et à la marchandisation du corps féminin, pas si lointain de l’esprit du pamphlet de Virginie Despentes, auquel le titre du documentaire fait un clin d’œil. Au fil de ce récit, qui compile ses innombrables apparitions, des éclairages d’experts admiratifs, mais pas béats, et le vécu d’une jeune émule française, l’influenceuse Ibtisam, se dévoile l’ironique portrait d’une pin-up des temps modernes, surfant avec aisance sur les lames de fond de l’époque : téléréalité, globalisation, réseaux sociaux et mise en scène de soi.